L’abus de minorité et ses limites

    L’abus de minorité et ses limites

    23/09/2020 140 Aucun commentaire

    Les caractéristiques de l’abus de minorité

    Le droit de vote ne peut pas être exercé de façon discrétionnaire car les tribunaux tempèrent la liberté du vote par l’application de la notion d’abus de droit.

    Le vote constitue un abus de minorité lorsque l’associé minoritaire a adopté une attitude contraire à l’intérêt général de la société, en interdisant une opération essentielle pour celle-ci, dans l’unique dessein de favoriser ses intérêts, au détriment des autres associés.

    La jurisprudence considère que le seul fait qu’un associé ait eu des raisons personnelles de s’opposer au vote d’une délibération ne suffit pas à caractériser l’existence d’un abus de minorité.

    Par exemple :

    – le fait de refuser un coup d’accordéon, en raison du caractère onéreux de l’opération, peut se justifier au regard de la conception qu’a l’intéressé d’une gestion saine de la société, qui exclut pour lui la survie de celle-ci à tout prix, et du fait que l’opération envisagée ne lui paraît pas à même de régler définitivement les problèmes récurrents de la société.

    – le refus d’un associé minoritaire de voter un projet de collaboration essentiel pour la société ne suffit pas non plus à caractériser l’existence d’un abus : encore faut-il démontrer que ce refus était fondé sur l’unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment des autres associés.

    Il a été jugé qu’un associé ne disposant pas à lui seul de la minorité de blocage ne peut pas se rendre coupable d’un abus de minorité alors, d’une part, que ce n’est que par l’adjonction du vote négatif d’un autre associé (non mis en cause) que l’augmentation de capital a été rejetée et, d’autre part, qu’une collusion frauduleuse entre les deux associés n’était pas établie.

    La réparation de l’abus de minorité peut, conformément au droit commun de la responsabilité civile, consister en l’allocation de dommages-intérêts.

    Par ailleurs, il est possible pour le juge « de désigner un mandataire aux fins de représenter les associés minoritaires défaillants à une nouvelle assemblée et de voter en leur nom dans le sens des décisions conformes à l’intérêt social mais ne portant pas atteinte à l’intérêt légitime des minoritaires ».

    En revanche, le juge ne peut pas fixer le sens du vote du mandataire qu’il désigne, ni se substituer aux organes sociaux légalement compétents et décider que leur jugement vaudra adoption de la résolution litigieuse.

    Ainsi les juges ne peuvent pas écarter l’action en nullité formée par un associé minoritaire contre la délibération étant passée outre son abstention et qui, de ce fait, n’avait pas été prise à la majorité requise par la loi.

    Ils ne peuvent pas davantage écarter l’action en nullité formée par un associé minoritaire contre la délibération étant passée outre son refus, en tant qu’indivisaire, de participer à la désignation d’un représentant de l’indivision à l’assemblée et qui, ainsi, avait été prise à une majorité inférieure à celle requise par les statuts.

    En cas de désignation par le juge d’un mandataire aux fins de représenter les associés minoritaires défaillants à une nouvelle assemblée, l’associé représenté a le droit d’obtenir communication des documents échangés entre le mandataire désigné et la société sans que celui-ci puisse lui opposer le secret professionnel.

    Des exemples jurisprudentiels d’utilisation non abusive du vote minoritaire

    Exemples d’utilisation non abusive du vote minoritaire concernant une augmentation de capital

    • N’est pas abusif le refus par un minoritaire de voter une augmentation de capital aboutissant à tripler le montant du capital, dès lors

    1°) qu’une augmentation considérablement plus réduite aurait suffi à rétablir un rapport correct entre les capitaux propres et l’endettement à moyen et à long terme,

    2°) que le Conseil d’administration, en proposant une opération d’une ampleur exceptionnelle, aurait dû fournir aux actionnaires une information plus complète sur ses buts et ses méthodes de réalisation

    3°) que si l’augmentation du capital constituait plus qu’une simple opportunité, la survie de la société n’en dépendait pas.

    • N’est pas abusif le refus par un actionnaire de voter une augmentation de capital faisant suite à une réduction de capital pour cause de pertes alors que cette augmentation n’était pas indispensable à la survie de la société.

    La trésorerie de la société pouvait en effet être rétablie au moyen d’apports en compte courant et il n’était pas certain que l’opération eût permis de reconstituer durablement les fonds propres.

    • N’est pas abusif le refus d’un associé d’approuver une augmentation de capital destinée à régulariser la situation d’une société dont les capitaux propres étaient devenus inférieurs à la moitié du capital social, cet associé ne disposant pas des informations lui permettant de se prononcer en connaissance de cause sur les motifs, l’importance et l’utilité de cette opération au regard des perspectives d’avenir de la société.

    Le fait qu’il n’ait proposé aucune alternative à l’augmentation de capital n’était pas suffisant pour caractériser l’abus.

    • N’est pas abusif le refus d’un associé minoritaire de voter une augmentation de capital dès lors que la survie de la société n’était pas menacée et qu’une solution alternative existait pour assurer une trésorerie.

    Exemples d’utilisation non abusive du vote minoritaire concernant un transfert de siège social

    • N’est pas abusif le refus de voter le transfert du siège social, lequel n’était pas nécessaire à la survie de la SARL mais s’inscrivait dans le plan de développement de l’activité.

    Exemples d’utilisation non abusive du vote minoritaire concernant une transformation ou une fusion

    • N’est pas abusif le fait pour un minoritaire de n’avoir pas participé à une assemblée générale extraordinaire devant statuer sur la transformation d’une SA en SAS, décision qui requiert l’accord unanime des actionnaires, dès lors que, notamment,

    – le choix d’un actionnaire très minoritaire de ne pas participer à une telle assemblée ne peut pas être qualifié de fautif.

    – l’affirmation d’un intérêt social à la transformation ne peut pas être constitutive d’un abus de minorité de la part d’un actionnaire qui ne se prononce pas,

    – la société soutient qu’il appartenait au minoritaire d’assumer son devoir d’actionnaire mais ne précise pas quelle aurait été la conséquence d’un vote négatif de l’intéressé qui avait exprimé son désaccord sur les résolutions proposées.

    • N’est pas abusif le vote défavorable d’un associé minoritaire à un projet de fusion-absorption qui n’était pas essentiel pour la SA et aurait entraîné sa disparition.

    Exemples d’utilisation non abusive du vote minoritaire concernant l’affectation des résultats

    • N’est pas abusif le refus d’un associé égalitaire de SARL d’augmenter la rémunération du dirigeant.

    Des exemples jurisprudentiels d’utilisation abusive du vote minoritaire

    Exemples d’utilisation abusive du vote minoritaire concernant une augmentation de capital

    • Est abusif le vote d’associés refusant à trois reprises, dans un but personnel, de donner leur accord à une augmentation de capital qu’ils savaient nécessaire à la survie de la société.

    • Est abusif le vote d’un associé d’une SARL qui, au risque d’entraîner la dissolution de plein droit de la société, s’oppose à une augmentation de capital ayant pour objet de porter celui-ci au minimum légal.

    • Est abusif le refus d’un actionnaire de voter une augmentation de capital indispensable à la survie de la SA dans le seul but d’entraver le fonctionnement de celle-ci et pour des considérations purement personnelles, l’intéressé souhaitant la disparition de la société à la fois pour se venger d’avoir été évincé du Conseil d’administration et pour favoriser les intérêts qu’il possédait dans une société concurrente.

    • Est abusif le refus d’un actionnaire d’une SA exploitant un casino de voter une augmentation de capital indispensable au renouvellement de la concession d’exploitation du casino par les pouvoirs publics, dans le but d’acculer les majoritaires à prendre seuls en charge les risques de l’opération dont le demandeur aurait profité en cas de succès et de ne pas contrarier son projet d’ouvrir lui-même un nouveau casino (Dans cette affaire, il y a eu condamnation du minoritaire à réparer le préjudice résultant pour la société de la résolution de la concession).

    • Est abusif le refus d’un associé minoritaire de voter une augmentation de capital par compensation avec les créances de l’associé majoritaire, dès lors que l’opération envisagée permettait à la société, dont les capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital, de compenser sa dette vis-à-vis de l’associé majoritaire tout en renforçant sa crédibilité envers les banques et que, même si l’opération avait abouti à diluer la part de l’associé minoritaire dans le capital, il n’existait pas d’autre solution sérieuse à la survie de la société.

    Exemples d’utilisation abusive du vote minoritaire concernant un transfert de siège social

    • Est abusif le refus de voter le transfert du siège social qui, en réalité, avait déjà eu lieu alors que ce refus n’était motivé que par des demandes d’explications sur les conditions de la résolution du bail des locaux de l’ancien siège, explications qui avaient déjà été fournies, ce refus rendant le siège social fictif puisque fixé en un lieu où ne se déroulait plus la vie de la SARL, ce qui était de nature à mettre celle-ci dans une situation de péril imminent.

    Exemples d’utilisation abusive du vote minoritaire concernant l’affectation des résultats

    • Est abusif le refus répété d’un associé égalitaire d’affecter les bénéfices en réserve alors que la SARL avait un large besoin d’autofinancement et que la distribution de dividendes réclamée par l’intéressé aurait fait perdre à la société son crédit auprès des banques à un moment où elle devait emprunter pour réhabiliter son site industriel.

    • Est abusif le refus d’un associé égalitaire de distribuer une partie des bénéfices d’un exercice motivé par l’augmentation du besoin en fonds de roulement de la société et par la nécessité de financer des travaux imposés par le franchiseur alors qu’il ressort de l’examen des données comptables que l’hypothèse d’une mise en réserve destinée à prémunir la société contre un retournement de conjoncture n’était pas crédible et que les exigences de travaux du franchiseur n’étaient pas établies.

    • Est abusif le refus systématique d’un associé égalitaire de SARL, pendant quatre années, de voter l’approbation des comptes, l’affectation des résultats et le versement d’une rémunération au dirigeant.

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