L’abus de majorité 2

    L’abus de majorité 2

    23/09/2020 137 Aucun commentaire

    Les caractéristiques de l’abus de majorité

    La jurisprudence a déterminé deux critères cumulatifs permettant de déceler un abus de majorité.

    Ainsi, il y a abus de majorité :

    – lorsque la décision adoptée par le ou les associés majoritaires est contraire à l’intérêt social

    – et qu’elle a été prise dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité, au détriment des autres associés.

    L’abus de majorité, s’il est constaté, entraîne généralement la nullité de la décision prise.

    Le plus souvent, l’action en nullité est engagée par les associés minoritaires qui se sont opposés à une résolution imposée par les majoritaires. Mais la nullité peut être demandée même par des associés qui ont voté en faveur de l’adoption de la résolution litigieuse.

    L’action en nullité ne peut pas être engagée contre la seule société.

    La jurisprudence impose que les associés auteurs de l’abus soient mis en cause, peu important qu’ils aient ultérieurement perdu leur qualité en cédant leurs actions.

    Les minoritaires peuvent aussi obtenir des dommages-intérêts mais, pour cela, ils doivent assigner non pas la société, mais les majoritaires, car seuls ces derniers ont commis la faute qui ouvre droit à réparation selon la jurisprudence.

     

    Par exemple, un associé ayant émis un vote favorable à une résolution n’est pas dépourvu d’intérêt à demander ultérieurement réparation du préjudice qu’elle lui cause.

    L’action en nullité peut être intentée au nom de la société par son dirigeant.

    Par exemple, le dirigeant d’une société filiale a qualité pour intenter au nom de celle-ci une action en annulation pour abus de majorité de conventions de gestion et de trésorerie conclues par l’ancien dirigeant avec la société mère, ainsi qu’en restitution des sommes versées en exécution de ces conventions.

    Le Tribunal des conflits a précisé que l’action en responsabilité formée contre un établissement public, associé majoritaire, relève néanmoins de la compétence des tribunaux judiciaires.

    La loi Pacte du 22 mai 2019 prévoit que la société doit être gérée dans son intérêt social. L’inobservation de cette obligation n’est pas sanctionnée par la nullité des actes ou délibérations des organes de la société.

    Il semble qu’il ne faille pas en déduire que l’abus de majorité ne sera plus sanctionné par la nullité de la décision prise, car d’une part, en exerçant son droit de vote, l’associé majoritaire n’accomplit pas un acte de gestion et, d’autre part, la nullité ne sanctionne pas la contrariété à l’intérêt social, mais l’abus, dont la contrariété à l’intérêt social n’est que l’un des critères.

    Un abus de majorité peut être commis à l’occasion de toute décision ordinaire ou extraordinaire.

    La jurisprudence est très abondante en matière d’abus de majorité.

    Des exemples jurisprudentiels d’utilisation non abusive du vote majoritaire

    Exemples d’utilisation non abusive du vote majoritaire concernant les organes de gestion

    – Augmentation importante de la rémunération du dirigeant, celui-ci ayant pris part au vote, dans la mesure où cette augmentation avait suivi celle du chiffre d’affaires.

    – Rémunérations allouées au président-directeur général d’une SA pendant deux exercices successifs supérieures au montant du bénéfice, alors qu’au cours des années précédentes les bénéfices avaient été mis en grande partie en réserve, sans distribution de dividendes et sans politique d’investissement corrélative, ces réserves répondant à une politique de prudence.

    – Participation du gérant majoritaire d’une SARL au vote de la délibération fixant sa rémunération, dès lors qu’il n’est pas établi que la décision est contraire à l’intérêt social ou prise dans le seul intérêt des majoritaires.

    – Attribution rétroactive d’une rémunération au président d’une SAS n’exerçant aucune fonction opérationnelle, mais qui assumait la responsabilité civile et pénale inhérente à ses fonctions.

    – Révocation du dirigeant et associé minoritaire d’une SAS en l’absence de preuve que la décision était contraire à l’intérêt social eu égard à la situation financière particulièrement obérée de la société à l’issue de son mandat et qu’elle ait été prise dans le seul intérêt de l’associé majoritaire.

    – Révocation de deux sœurs directrices générales déléguées et associées minoritaires d’une SAS familiale, dès lors que l’intérêt social ne peut pas être déterminé par le seul intérêt familial, qu’elles n’assuraient pas la direction opérationnelle quotidienne de la société et que la famille ne s’accordait plus sur la gouvernance et le développement de l’entreprise.

     

    Exemples d’utilisation non abusive du vote majoritaire concernant l’affectation des bénéfices

    – Mise en réserve des bénéfices pendant plusieurs années ayant permis à la SARL de réaliser d’importants investissements.

    – Mise en réserve des bénéfices pendant dix ans ayant permis à la SA de renforcer sa situation et de contribuer à augmenter la valeur des titres.

    – Affectation des bénéfices au report à nouveau pendant quatre exercices ayant permis à la SA de reconstituer sa trésorerie, cette affectation ne s’étant pas accompagnée d’une augmentation anormale des rémunérations perçues par les majoritaires.

    – Répartition inégalitaire des bénéfices votée par les associés, dès lors que la quote-part des associés majoritaires a diminué au profit des minoritaires et que cette répartition n’est pas contraire à l’intérêt social.

     

    Exemples d’utilisation non abusive du vote majoritaire concernant les associés

    Après l’annulation des cessions de parts sociales qu’il avait acquises, décision de l’assemblée générale de débiter le compte courant d’associé du gérant révoqué du montant des dividendes perçus.

     

    Exemples d’utilisation non abusive du vote majoritaire concernant l’actif social

    – Cession de la totalité des actifs sociaux (droits au bail, matériel informatique, meubles de bureau) à des tiers, cette cession étant nécessaire compte tenu de la situation financière critique de la SARL.

    – Cession à une entreprise tierce d’un important contrat de distribution avec les stocks y afférents et reprise d’une partie du personnel dès lors que le demandeur, en sa qualité de membre du Conseil d’administration, n’avait pas désapprouvé le projet (auquel il s’était opposé lors de l’assemblée) ni proposé une autre solution, ledit projet ayant pour but d’éviter à la SA un dépôt de bilan.

    – Mise en location-gérance du fonds de commerce de quatre sociétés au profit d’une autre société du groupe, opération courante dans le secteur d’activité concerné et conforme à l’intérêt social.

     

    Exemples d’utilisation non abusive du vote majoritaire concernant une fusion ou une transformation

    – Apport-fusion d’une société au profit d’une société actionnaire majoritaire, dès lors qu’il n’était pas prouvé que cette décision avait été prise dans l’unique dessein de favoriser le majoritaire au détriment des minoritaires.

    – Apport-fusion aboutissant à l’exclusion d’un actionnaire qui ne rapportait pas la preuve que la fusion, réalisée dans un souci de restructuration, était contraire à l’intérêt social, ni même qu’elle avait été réalisée dans le seul souci de l’évincer.

     

    Exemples d’utilisation non abusive du vote majoritaire concernant les opération sur le capital

    – Augmentation de capital réservée à certains salariés de l’entreprise et réalisée sans prime d’émission entraînant une diminution sensible de la valeur des droits des actionnaires anciens.

    – Augmentation de capital réalisée essentiellement par incorporation des comptes courants des associés majoritaires ayant fait chuter la participation de l’associé minoritaire mais qui permettait de diminuer le passif exigible de la SAS à due concurrence, améliorant ainsi ses capacités de financement.

    – Emprunt obligataire convertible en actions susceptible d’entraîner une augmentation de capital, souscrit par deux fonds d’investissement, dès lors qu’il s’agissait des associés les plus à même de pourvoir aux besoins urgents et récurrents de trésorerie de la société et d’assumer les risques.

    – Réduction de capital d’une SA par rachat d’actions assortie d’un changement de contrôle au profit d’une société détenue par le président-directeur général de la SA.

    – Réduction du capital à zéro suivie d’une augmentation de capital intégralement souscrite par l’actionnaire majoritaire par intégration de son compte courant et dont l’objectif était de satisfaire à l’obligation légale de recapitalisation de la SA, l’actionnaire minoritaire ayant renoncé à son droit de souscription.

    – Réduction du capital à zéro suivie d’une augmentation de capital rendues nécessaires par les difficultés financières de la SARL, conformes à l’intérêt social et n’ayant pas pour but d’évincer les deux associés fondateurs.

    – Réduction du capital à zéro suivie d’une augmentation de capital permettant d’éviter à une SAS la cessation des paiements et de rétablir ses capitaux propres, dès lors que l’information communiquée aux associés leur permettait de se prononcer en connaissance de cause sur l’opération.

     

    Exemples d’utilisation non abusive du vote majoritaire concernant la dissolution

    – Dissolution anticipée décidée suite à la rupture d’un contrat passé entre la société et l’un de ses associés, contrat sur lequel reposait toute l’activité de la société.

    – Dissolution anticipée d’une SARL sous-traitante décidée par l’associé majoritaire donneur d’ordre à la suite de la perte d’un client qui représentait 85 % de l’activité de la SARL, d’une mésentente entre les associés et de la perte de l’affectio societatis.

    Des exemples jurisprudentiels d’utilisation abusive du vote majoritaire

    Exemples d’utilisation abusive du vote majoritaire concernant les organes de gestion

    – Fixation de rémunérations exagérées pour les dirigeants de la société.

    – Octroi aux dirigeants d’une prime correspondant à plusieurs fois le montant des bénéfices sociaux, alors que ceux-ci avaient été mis en réserve pendant plusieurs exercices sans politique d’investissement corrélative.

    – Révocation d’un administrateur, principal animateur d’une SA exploitant une maison de mode, décidée par l’actionnaire majoritaire récemment révoqué de ses fonctions de président-directeur général, dans le seul but de continuer à exercer la direction de fait et de nuire notamment audit administrateur, son conjoint.

     

    Exemples d’utilisation abusive du vote majoritaire concernant l’affectation des bénéfices

    – Mise en réserve des bénéfices pendant plusieurs années, privant le minoritaire de la perception de tout dividende, sans qu’il en résulte un intérêt pour la SARL qui n’avait plus d’activité depuis dix ans, ni d’autres perspectives que de payer des loyers à une SCI dans laquelle le majoritaire était gérant associé et de servir une rémunération, certes modeste, à son dirigeant.

    – Mise en réserve des bénéfices d’une SARL qui ne peut pas être tenue pour une mesure de prudence dans un contexte économique difficile si elle est le résultat de l’augmentation de sa rémunération par le gérant majoritaire.

     

    Exemples d’utilisation abusive du vote majoritaire concernant les associés

    Modification statutaire restreignant la liberté de cession des actions dans l’unique dessein de faire échec aux droits de cession de l’actionnaire.

     

    Exemples d’utilisation abusive du vote majoritaire concernant l’actif social

    – Apport par une SA de la participation majoritaire qu’elle détenait dans une filiale à une SCA créée à cet effet, dont l’associé commandité et gérant statutaire était l’actionnaire majoritaire de la SA, de sorte que cette opération lui assurait une complète liberté de manœuvre en limitant les pouvoirs d’intervention du minoritaire et avait fait de la société mère une coquille vide.

    – Cession par les associés majoritaires d’une SCI à une nouvelle société qu’ils avaient créée d’un terrain et de l’immeuble constituant le principal actif de la SCI à un prix très inférieur à sa valeur réelle.

    – Location-gérance consentie par une SA à une autre société constituée par les actionnaires majoritaires de la première, cette opération ayant pour but de permettre au groupe majoritaire de transférer l’actif social à la société locataire créée manifestement pour la circonstance.

     

    Exemples d’utilisation abusive du vote majoritaire concernant une fusion ou une transformation

    Transformation d’une SA en SCS motivée essentiellement par les avantages fiscaux que pouvait en retirer le principal actionnaire de la société.

     

    Exemples d’utilisation abusive du vote majoritaire concernant la création d’une dette sociale

    – Prise en charge par une société de la totalité du passif de sa filiale, cette décision ayant été prise au mépris des intérêts de la société et uniquement pour couvrir la gestion d’un actionnaire, gérant de la filiale, appartenant au groupe majoritaire.

    Indemnité d’éviction versée par une société A à une société B constituée par les associés de la société A pour louer ces locaux, alors que la société A aurait pu récupérer les locaux sans verser d’indemnité par le jeu d’une clause résolutoire (la société B ne payant pas son loyer) et que cette indemnité avait permis aux associés majoritaires de la société B de se rembourser les avances en compte courant faites à celle-ci, sans que l’associé minoritaire n’ait eu sa part.

     

    Exemples d’utilisation abusive du vote majoritaire concernant les opérations sur le capital

    Augmentation de capital entièrement souscrite par l’associé majoritaire d’une SCI dans le seul but de diluer la participation d’un associé minoritaire qui, compte tenu de sa situation financière, n’avait pas pu y participer.

     

    Exemples d’utilisation abusive du vote majoritaire concernant la dissolution

    Dissolution anticipée décidée par l’associé majoritaire sans motif sérieux, empêchant par là même toute possibilité d’exécution de sa promesse de rachat des parts de l’associé minoritaire.

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