De la diffusion de l’annonce à la visite du bien

    De la diffusion de l’annonce à la visite du bien

    20/10/2020 Marie Admin 61 Aucun commentaire

    Que faut-il entendre par discrimination ?

    Parce qu’il faut bien admettre que le professionnel que vous êtes doit se baser sur certains critères afin de sélectionner le candidat à la location ou la transaction. Il s’agit en fait du droit à la protection de son patrimoine. Concrètement, le propriétaire, qu’il agisse par votre biais, aurait donc le dernier mot dans le choix du candidat.

    Mais seuls des critères parfaitement objectifs doivent entrer en compte : ce peut être la solvabilité, la présence ou non d’une caution ou bien encore la situation professionnelle (CDD, CDI) par exemple. Attention toutefois à ne pas réclamer de documents d’ordre privés à l’instar des relevés de compte. En d’autres termes, l’origine nationale ou ethnique, l’apparence physique, le sexe, l’âge, le handicap, la langue parlée ou encore l’orientation sexuelle, du ou des candidats ne doit donc en aucun cas entrés en ligne de compte ! Il s’agit ici d’un principe codifié par l’article 225-1 du Code pénal.

    D’autre part, des critères plus subjectifs comme le feeling vis-à-vis d’une candidature peuvent surgir. On vise ici l’attitude générale du candidat, sa tenue vestimentaire, le type de voiture qu’il conduirait ainsi que son état d’entretien, etc. La majorité des enquêtés considère que le feeling est un aspect important de la compétence du « bon agent immobilier ».

    Mais si je reçois un candidat qui me fait une mauvaise impression, est-ce de la discrimination ?

    Le préjugé est un jugement favorable ou défavorable porté sur un individu. Par exemple, en recevant un couple avec des enfants en bas âge, vous vous dites qu’ils seront bruyants et si en plus s’ils ont un chien vous allez penser aux potentielles dégradations que ce dernier pourrait causer au bien. Vous vous exposez ici à écarter des candidats pour des motifs très différents des garanties qu’ils auront à proposer, vous exposant de facto à la discrimination. Mieux vaut se baser sur des critères les plus objectifs qu’il soit.

    La discrimination existera même quand ce sera un propriétaire qui vous demandera d’écarter certains candidats en raison de la couleur de sa peau, de son orientation sexuelle etc.  De la même manière, vous ne pouvez pas demander des garanties supplémentaires à une personne étrangère ou à un candidat qui serait retraité. Et surtout, n’acceptez jamais de le faire à la demande d’un propriétaire !

    Pour rappel voici les critères discriminatoires au titre du Code pénal :

    Âge

    Apparence physique

    Caractéristiques génétiques

    Domiciliation bancaire

    État de santé

    Grossesse

    Handicap

    Identité de genre

    Langue parlée (capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français)

    Lieu de résidence

    Mœurs

    Nom

    Opinions philosophiques

    Opinons politiques

    Orientation sexuelle

    Origine

    Particulière vulnérabilité liée à la situation économique

    Perte d’autonomie

    Race prétendue, ethnie, nationalité : appartenance ou non-appartenance

    Religion : croyance ou appartenance ou non-appartenance

    Sexe

    Situation de famille

    Syndicalisme

    Comment sélectionner le futur locataire sans que ce soit discriminant ?

    D’après une enquête parue en mai 2019 établie par l’Association SOS Racisme, un candidat d’origine maghrébine ou d’Afrique sub-saharienne a deux fois moins de chance d’obtenir un logement qu’une personne d’origine française.  Alors que, rappelons-le, l’article premier de la loi du 6 juillet 1989 pose le caractère fondamental du droit au logement : « aucune personne ne peut se voir refuser la location d’un logement pour un motif discriminatoire ». Il s’agit des motifs qui vous ont été énumérés plus tôt. Et ceci est valable qu’il s’agisse d’une location meublée ou non.

    Bien entendu, avant la signature d’un contrat de location, vous pouvez exiger du candidat un certain nombre de documents sauf, et je vous le rappelle, des documents confidentiels tel que les relevés de compte. Vous pouvez retrouver la liste des documents autorisés dans le décret du 5 novembre 2015. En voici la liste exhaustive :

    La CNI ou le passeport,

    Le permis de conduite français ou étranger,

    La carte de séjour, de résident,

    Un justificatif de domicile (trois dernières quittances de loyer ou attestation d’élection de domicile ou dernier avis de taxe foncière),

    Un contrat de travail,

    Un Kbis, un extrait D-1 original du registre des métiers, copie de l’identification INSEE pour une entreprise, un artisan ou indépendant,

    Copie de l carte professionnel pour une profession libérale,

    Carte d’étudiant,

    Avis d’imposition ou de non-imposition,

    Trois derniers bulletins de salaire,

    Deux derniers bilans,

    Justificatifs de versement des indemnités ou allocations retraites, pensions ou prestations sociales et familiales,

    Avis d’attribution de bourses pour les étudiants,

    Titre de propriété d’un bien immobilier,

    Justificatifs de revenus fonciers, de rentes viagères ou de revenus de valeurs et capitaux mobiliers.

    Notons bien que tout autre document expose le propriétaire personne physique à une amende pouvant aller jusqu’à 3.000 € et pour une morale, l’amende peut atteindre jusqu’à 15.000 € (donc l’agence immobilière ou une SCI).

    Le plus souvent, la solvabilité du candidat à la location est la première caractéristique du « bon candidat ». Celui-ci se reconnaît donc aux garanties officielles qu’il apporte corrélativement au prix du bien concerné : salaire à hauteur de trois fois le loyer, contrat de travail avec une préférence nette pour les CDI, avis d’imposition, etc. Cette étape de constitution de dossier comprend des pratiques parfois interdites par le texte de loi : il s’agit par exemple de la demande de compte bancaire, d’une attestation de l’employeur, d’une autorisation de prélèvement automatique, etc.

    Dans un premier temps, le travail de l’agent se limite à vérifier l’authenticité des documents fournis, le soupçon de faux dossiers étant en effet évoqué par tous les agents immobiliers. Les cas de fraudes effectives sont, selon les agents, toutefois plutôt rares.

    De ce fait, l’écrasante majorité des candidats à la location s’auto-sélectionne selon ces critères de solvabilité, ce qui a pour effet d’orienter la sélection effective vers des critères plus flous. D’une part, des critères qui, contrairement aux critères de solvabilité, s’énoncent toujours par la négative : pas de colocation, pas d’animaux domestiques, pas de fumeurs, pas de familles nombreuses, pas d’étrangers, etc.

    A titre d’exemple, il est formellement interdit de demander une photo de la famille du candidat, une attestation d’absence de crédit en cours, ou encore une autorisation de prélèvement automatique , nous l’avons évoqué (je vous invite à consulter en ce sens l’article 22-2 de la loi du 6 juillet 1989). Vous ne pouvez pas non plus interdire de faire visiter un logement ou prétendre que celui-ci serait déjà loué à des candidats qui seraient d’origine étrangère.

    A l’inverse, une annonce ne doit pas mentionner des critères qui comme nous l’avons vu, qui tiendraient compte de l’origine ethnique du candidat mais elle ne doit pas non plus contenir de termes avantageant certaines personnes. On pense notamment aux fameuses annonces qui préciseraient : « appartement pour fonctionnaire uniquement » ou encore « le studio étant situé proche de l’Ecole d’Infirmières nous ne retiendrons que les élèves de cette école ». Même si cela peut partir d’une bonne intention, car vous vous pensez rendre service aux étudiants, cette formulation exclut une partie des candidats (les travailleurs non fonctionnaires et/ou d’origine étrangère, les employés de sexe masculins…), vous exposant alors à une condamnation.

    Donc si une offre de location d’un appartement mentionne « de préférence fonctionnaire ». Est-ce discriminatoire ?

    Une offre ainsi rédigée est discriminatoire en raison de la nationalité. Dans ce cas précis, l’offre constitue une discrimination indirecte. En effet, le critère du statut professionnel, en l’espèce exiger des locataires fonctionnaires, est un critère neutre en apparence mais vient dans les faits particulièrement désavantager les personnes de nationalité étrangère. Privilégier des fonctionnaires pour l’accès à la location conduit à exclure systématiquement les étrangers non ressortissants de l’Union européenne qui ne peuvent accéder à la fonction publique. Comme nous l’avons vu, rechercher des garanties sérieuses pour le paiement régulier du loyer est légitime, mais l’exigence relative à la situation professionnelle du candidat apparait disproportionnée par rapport à l’objectif de solvabilité poursuivi (Décision n°2009-293 du 29 juin 2009 relative à la diffusion sur Internet d’offres de location réservées à des fonctionnaires).

    Les professionnels ont un rôle important pour garantir la conformité au droit des offres de location diffusées

    Comment prouver la discrimination au logement ?

    En général, la charge de la preuve d’une discrimination incombe au plaignant. Mais en matière de location, la loi prévoit un renversement de la charge de la preuve. En d’autres termes, il incombe au propriétaire de prouver que son refus est justifié (article 1er de la loi du 6 juillet 1989 modifiée).

    Tous les moyens de preuve ne sont pas recevables. L’enregistrement à l’insu du professionnel ou du propriétaire, par exemple, n’est pas admis.

    En revanche, le législateur autorise la pratique du « testing » (je vous invite à consulter dans ce sens l’article 225-3-1 du code pénal). Également appelé test de situation ou test de discrimination, le « testing » consiste à comparer les traitements réservés à deux personnes placées dans une situation comparable dans le cadre d’un processus de sélection. Il s’agit d’une méthode très répandue dans le milieu associatif.

    Pour autant, afin que ce test soit concluant, il faut rendre incontestable la différence de traitement, l’identification de l’auteur de l’acte et le motif à l’origine du comportement discriminatoire. Il peut prendre la forme, par exemple, d’une candidature factice pour une location, les dossiers présentant le même profil, à l’exception du critère testé (l’âge, l’origine, etc.).

    Si la discrimination est directe, autrement dit nettement visible, voire affichée ou revendiquée, les éléments concrets (témoignages, conversations téléphoniques, annonces…) suffiront comme preuve. Mais les discriminations sont rarement explicites. Il est plus difficile de rassembler des éléments de preuve lorsque le refus semble neutre : le bailleur invoque une solvabilité insuffisante ou une longue liste d’attente, par exemple.

    Encore plus difficile lorsque le refus est sans motif. Dans ce cas, vous êtes en droit de demander au propriétaire ou à l’agence immobilière la raison de leur refus. Si vous n’obtenez pas de réponse satisfaisante, une association de défense des droits des locataires ou de lutte contre les discriminations peut, à votre demande, contacter le propriétaire ou l’agence immobilière afin de demander des explications et vous aider dans votre démarche en justice.

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