Contrôler les discriminations éventuelles de la part du propriétaire

    Contrôler les discriminations éventuelles de la part du propriétaire

    20/10/2020 Marie Admin 60 Aucun commentaire

    Que faire si un client refuse un candidat en raison de son origine ?

    De plus en plus régulièrement, et nous l’avons vu avec la question de la location, les agences et les professionnels se retrouvent face à un propriétaire refusant les candidats.

    Imaginons qu’un client vous confie la vente de son appartement. Après quelques semaines -, vous avez un candidat qui semble très intéressé et désire faire une offre que vous soumettez à votre client. Or, celui-ci refuse au motif que l’acquéreur a un nom à consonance maghrébine, et qu’il a déjà eu des problèmes avec “des gens comme ça”.  Quelles suites donner ?

    En tant que professionnel de l’entremise, vous pouvez rapidement vous retrouver dans une telle situation. Il va sans dire qu’il vous est préférable de parler à votre client afin d’éviter tout malentendu dans la mesure où une telle demande tombe clairement sous le coup de la discrimination. Et il en aurait été de même pour une demande plus subtile (« quelqu’un de pas trop âgé » ou « sans enfant »…).

    La pédagogie est de mise car les sanctions auxquelles vous vous exposez sont lourdes. Au titre de la loi Hoguet, la carte professionnelle peut vous être retirée en cas de condamnation à trois mois de prison sans sursis. Sur le fondement du Code de déontologie, des avertissements, blâmes, voire même interdiction temporaire d’exercer pourront vous être adressés. Enfin, la condamnation peut aller jusqu’au versement de dommages et intérêts envers la personne discriminée mais aussi envers des associations.

    Prenons un cas concret :

    Sofia est institutrice et vit seule avec son fils de 6 ans. Sans nouvelles après son offre concernant un T2 à proximité de son travail et de l’école de son fils, pour lequel elle a remis le dossier complet ainsi que demandé au téléphone, elle apprend que le logement a été finalement vendu à un couple d’étudiants dont l’un bénéficie de l’apport de ses parents.

    Est-ce discriminatoire ?

    Le fait d’avoir privilégié le dossier d’une autre candidature qui ne présente pas de façon évidente de meilleures garanties appelle des précisions complémentaires. En effet, rien ne justifie a priori le choix des étudiants, sans revenus stables et dont un des deux peut présenter un apport, plutôt que la candidate institutrice qui peut justifier de revenus suffisants et stables. Il appartient au professionnel dans ce cas de démontrer que ce choix ne repose sur aucun motif discriminatoire tel que la situation de mère seule avec un enfant de la candidate (critère prohibé de la situation de famille), notamment si les deux dossiers complets ont été déposés au même moment.

    Quelle différence entre stéréotype et discrimination ?

    La question est légitime. La première impression ressentie lors d’une rencontre avec un client ou un potentiel acquéreur peut difficilement être mise de côté.

    La catégorisation est un mécanisme élémentaire et universel de la perception humaine, qui consiste à découper le monde environnant en catégories à partir de traits caractéristiques. Ce processus est automatique et involontaire : il permet d’identifier des groupes sociaux ou des individus, de se repérer et de se positionner dans la société.

    Tout d’abord, les préjugés donnent lieu à des jugements de valeur ou des idées préconçues à l’encontre d’un groupe d’individus, en leur attribuant des caractéristiques ou comportements non fondés sur la réalité.

    D’un autre côté se trouvent les stéréotypes , qui relèvent de l’ordre du jugement et se traduisent par des attitudes et des opinions simplifiées à l’extrême, souvent erronées et aboutissent à un ensemble de croyances portant sur les caractéristiques d’un groupe. Ils constituent la base sur laquelle peuvent prendre appui des comportements discriminatoires.

    Les stéréotypes ont un double impact. Non seulement, ils sont souvent intériorisés par les personnes qu’ils visent et sont sources d’autocensure, et d’autre part, ils influencent les décisions des acteurs en légitimant pour leur auteur un traitement différent en se basant sur des attributs qu’ils prêtent à une catégorie de personnes.

    Dans l’immobilier, les discriminations sont bien souvent basées sur des stéréotypes. Les comportements discriminatoires (refuser l’accès à un service ou un bien, etc.) sont une application concrète d’un ou plusieurs stéréotypes.

    Il est primordial que de tenter de déconstruire les stéréotypes . Il s’agit de prendre conscience que chacun en est porteur, de désactiver le lien entre les stéréotypes et les comportements, et enfin de proposer des bonnes pratiques visant à une prévention des discriminations.

    Refuser un potentiel acquéreur en raison de ressources suffisantes, est-ce discriminant ?

    Imaginons qu’un couple avec trois enfants vous sollicitent dans leur recherche de maison à acheter. Ils vous demandent un bien à prix raisonnable dans la mesure où ils ne peuvent prétendre à un prêt immobilier en raison de leur état de santé. Le vendeur vous fait savoir qu’il refusera leur offre puisqu’ils ne présentent pas de garanties suffisantes : emploi à mi-temps, peu de revenus…

    La question de savoir s’il y a ou non discrimination est pertinente et subtile dans le cas présent. Pour prouver qu’il y a bel et bien discrimination de la part d’un propriétaire, la personne qui en est victime doit présenter des éléments de faits prouvant que le refus de négociation a été motivé par son handicap ou par l’un des motifs interdits par la loi.

    Les situations de discrimination étant rarement directes et flagrantes, il est souvent difficile, voire même impossible pour les victimes, d’apporter des preuves tangibles et irréfutables. C’est pourquoi l’État a introduit la notion de « discrimination supposée ». Concrètement, cette notion suppose que la victime dit vrai et c’est alors au propriétaire de prouver que le motif de son refus est parfaitement légitime.

    Face à une telle situation, vous devez suivre la procédure de votre agence. Gardez à l’esprit que les prestations sociales ne doivent pas être exclues dans la constitution d’un dossier.

    Autre question pratique :

    Une agence immobilière se voit dans l’obligation de refuser un appartement à Aminata, handicapée, car ses revenus sont insuffisants. Xavier touche l’allocation adulte handicapé. Est-ce discriminatoire ?

    La réponse n’est pas non plus si évidente.

    L’insuffisance des revenus est ici citée comme seul motif du refus opposé à cette candidate, dont on sait seulement qu’elle perçoit l’allocation pour adulte handicapé. Mais, sans autre précision, ni sur le montant réel des revenus par rapport au loyer demandé, ni sur d’éventuelles autres ressources ou garanties complémentaires, le refus pourrait aussi être fondé sur la nature des revenus de la candidate, ce qui caractériserait une discrimination. Dans le cas présent, il appartient donc à l’agence de démontrer que le refus n’est en rien lié à la nature des ressources, mais tient uniquement à leur montant insuffisant, non compensé par ailleurs par des garanties complémentaires comme  un dispositif de garantie publique ou la présence d’un garant. (Décision LCD-2011-83 du 24 novembre 2011 relative au refus opposé par une agence immobilière de louer un appartement en raison de la nature des revenus).

    Quelles sont les discriminations les plus répandues ?

    Vous l’aurez deviné, il s’agit la discrimination ethno-raciale est très répandue sur le marché immobilier.

    Ce fait particulier est parfois spontanément abordé par les agents immobiliers interrogés de manière générale sur la procédure de sélection. Dans d’autres cas, il est évoqué à l’occasion de questions sur les critères de sélection pertinents ou sur les difficultés d’accès au logement pour certaines catégories de population. Le sujet est toujours abordé avec précaution : Il est rappelé qu’il s’agit d’une pratique illégale et il vous convient d’adopter en ce sens de multiples stratégies pour se protéger de toute accusation de racisme

    Les professionnels déplorent ce genre de pratiques discriminatoires. Cependant, on peut observer que certains développent des raisons qui, si elles ne les justifient en rien, permettent de les expliquer. Selon certains, les familles nombreuses (notamment africaines) seraient plus enclines à dégrader le bien immobilier. Selon d’autres agents, les « mauvaises expériences » avec certaines populations pousseraient les propriétaires à refuser de louer leur bien à ces populations.

    L’explication la plus souvent mobilisée a trait aux préférences des propriétaires. C’est le racisme de ces derniers qui serait à l’origine des pratiques discriminatoires. Certains agents immobiliers s’estiment même victime des bailleurs qui, selon eux, sous-traitent aux agences ce « sale boulot » de discriminer.

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